Carmen G. Sanchez : Je trouve ça super intéressant qu’on aborde l’innovation organisationnelle, particulièrement pour une PME de 20 à 40 employés. Énormément d’entreprises dans les Laurentides sont de cette taille, et de voir justement cette équipe multidisciplinaire qui se met en place. Est-ce que ça fait partie des nouvelles tendances qu’on peut constater sur le marché, Luc?
Luc Robert : Oui, ce que Virginie et son équipe ont mis en place, en production on appelle ça , développer des matrices de compétence. C’est-à-dire qu’au lieu d’avoir des gens qui sont spécialisés sur la ligne de production à faire un type de travail, on va donner de la formation à tous les employés pour qu’ils puissent de façon interchangeable remplacer quelqu’un. En même temps, ce que ça crée sur les gens de la production, c’est que leur travail, il est enrichi en termes de connaissances, puis en termes de capacité. Alors non seulement on donne de la flexibilité, puis de l’agilité au niveau du producteur, mais en même temps on donne de la formation, et la capacité d’enrichir le travail sur la ligne de produits. On peut être rigoureux, puis faire arriver des choses de façon intentionnelle plutôt qu’intuitive.
Carmen G. Sanchez : Nous savons que le Québec en entier étant présentement en rareté de main-d’œuvre. Comment est-ce que vous réussissez à fidéliser vos employés, ou à recruter des jeunes, étés après étés, pour continuer à faire vivre Miels d’Anicet?
Anne-Virginie Schmidt : On se remet toujours en question. Je pense qu’il n’y a pas une seule réponse, et il n’y a pas de bonne réponse, mais chose certaine, on est très très impliqué dans le recrutement. Ce n’est pas quelque chose, même si j’ai quelqu’un aux ressources humaines, je ne peux pas m’en distancier, surtout que je pense que moi et Anicet on a une capacité d’attraction. Il y a peut-être un folklore à venir travailler chez les Miels d’Anicet qui augmentent notre capacité d’attraction, mais en même temps, c’est négatif parce que ça peut être juste : on travaille vraiment fort en arrière de ça. Donc, entre l’image qu’on a de Miels d’Anicet et quand on y arrive, cela doit concorder. Même l’étudiant.e en boutique, tu sais que ce n’est pas juste que tu es là et que tu fais de la caisse, il faut aussi que tu sois capable de répondre à un client. Comment fait-on pour certifier les ruches bio? D’où le miel est-il issu? Quelles sont les fleurs butinées? Quel est le menu aujourd’hui à la cantine? Et puis l’onguent Guérisseur, il sert à quoi? Déjà, on vient de se rendre compte que ça prend au moins un étudiant ou une étudiante du cégep parce qu’il y a quand même assez large d’informations à maîtriser. Je pense qu’on réfléchit à notre marque employeur de plus en plus. Dans le fond, moi, j’ai quelqu’un au marketing et je lui ai donné comme défi cette année : C’est quoi tu as envie cette année? On s’en va où? Quelles sont nos couleurs? Quel est notre slogan? Quelles sont nos approches au restaurant versus en boutique versus nos postes permanents? Je regarde ce qui se fait ailleurs aussi, je m’implique. Nos conditions salariales n’ont jamais été aussi élevées chez Miels d’Anicet. Et j’en suis vraiment fière quand même de le dire. Notre salaire minimum est maintenant à 17 $ de l’heure pour l’ensemble des postes, même chez les travailleurs agricoles étrangers mexicains. Il fallait que je me défende très fort pour leur faire valoir que ce n’est pas parce que c’est un travailleur agricole qui devrait avoir le salaire minimum, parce que je suis en compétition avec l’Alberta avec mes apiculteurs. J’ai des apiculteurs qui ont quinze ans d’expérience. Ils me disent : oui, mais ce n’est pas un apiculteur, c’est un travailleur agricole. Auquel je réponds : non, c’est un apiculteur et pourquoi il gagnerait moins cher que mon apiculteur à côté dans mon équité salariale? Parce que l’humain étant ce qui fait qu’on est, on a, je pense, des réflexions au niveau agricole à ce niveau là, parce que moi je veux le ravoir mon apiculteur, et lui il se fait offrir 20 $/h en Alberta, mais moi, je veux qu’il revienne l’année prochaine et je suis prête à mettre le budget pour qu’ils reviennent, mais ça, c’est un autre sujet. On voit, on suit les dossiers de près, puis c’en est un exemple de bon dossier. J’ai appelé à l’UPA, et on a parlé au conseiller en immigration pour que je puisse mieux payer mes travailleurs mexicains. Ils m’ont dit que j’allais être sûrement l’employeur qui payait le mieux les travailleurs mexicains dans tout le Québec. J’ai pris deux jours à écrire un texte sur pourquoi, avec mes arguments et à remplir la documentation. Voyez-vous, quand je dis de l’implication, ça demande du travail.et ça revient à la distribution, puis à l’attraction. On vend nos produits. Il faut devenir attractif en tant qu’employeur, puis être très, très innovant dans ce qu’on propose. Nous, on a acheté deux maisons pour loger les travailleurs, même les travailleurs de Montréal pour le restaurant, parce que les gens, si je veux que les gens viennent passer l’été, ils vont garder leur logement bien. On a des maisons et les maisons, on connaît les critères que les gens de la restauration montréalaise recherchent. C’est dans l’exotisme de se trouver sur le rang Gravel pour l’été. Ils ne veulent pas de maisons au village, ils veulent de la campagne, ils veulent un lac, ils veulent ci, ils veulent ça… Donc on a acheté une maison et on l’a organisée. Ça fonctionne par exemple, mais on pense en dehors de la boîte quand même. Tu sais, il y a 20 ans, je n’étais pas tout à fait rendu là, dans tous les avantages non pécuniaires qui sont offerts à notre groupe d’employés.
Luc Robert : Si je peux peut-être faire du pouce là-dessus, Virginie, c’est un aspect de l’innovation, même au niveau des stratégies de compensation, que vous avez décidé de mettre en place. Puis ça, en même temps, ça connecte directement avec vos valeurs, puis avec qui que vous êtes. Quand on parle de branding employeur, on en fait beaucoup des mandats comme ça, parce que tout le monde est à la recherche de. Et puis la première chose dont on s’assure, c’est la cohérence, puis l’authenticité. Parce que si ce qu’on cherche à faire, ce n’est pas du branding employeur, c’est simplement maquiller la mariée pour attirer des gens qui vont vivre une expérience, on va avoir des taux de roulement épouvantables et ce qui est fondamental au niveau de l’authenticité, c’est que vous allez attirer des gens qui ont nécessairement des valeurs qui sont compatibles avec les vôtres. Donc là, à ce moment-là, ce n’est peut-être pas nécessairement pour les conditions de travail ou le salaire que les gens vont décider de venir chez vous, et puis travailler avec vous parce que ça leur parle.
Carmen G. Sanchez : Écoutez, je pense que le mot clé dans tout ça, c’est cohérence, c’est authenticité. Que ce soit au niveau de l’audace dont vous avez fait preuve à aller chercher vos premiers clients jusqu’à la façon de recruter auprès de vos employés, je pense que c’est c’est vraiment d’aller vers des valeurs qui vous ressemblent, vous, votre conjoint qui fonce, Api Culture Hautes-Laurentides, et aujourd’hui.