Carmen-G. Sanchez : Comment avez-vous fait pour minimiser les impacts environnementaux de votre projet?
Gaëtan Serrigny : Je pense que tout d’abord, c’est un choix de matériaux. Donc parfois, si on va vers le plus simple, ce n’est pas là qu’on va les trouver. Par contre, si on fait un processus de recherche un peu plus poussée — le bois est déjà un matériau renouvelable, et en plus il peut avoir des fournisseurs locaux — on peut avoir des coupes écologiques qui respectent un certain cycle de la forêt, et donc je pense que c’est une volonté de recherche. Dans le fond, c’est une volonté aussi de créer cette économie circulaire qui est quelque chose qui est de plus en plus mis en pratique au Québec, ce qui est génial. Le reste du processus de production de l’un peut devenir le début de la production de l’autre. Et donc, je pense que ce qui est super de l’écoconception, c’est que c’est justement une valeur que oui, ça demande plus de recherche. Oui, parfois, il y a un coût qui est relié à ça, mais c’est une valeur qui est de plus en plus prise en compte par le marché et par l’expérience des utilisateurs. Donc on s’est dit que si on veut avoir une expérience en nature autant qu’elle soit faite dans un environnement qui est complètement réfléchi avec la protection de celle-ci.
François Turgeon : Oui. Puis, j’ajouterais que l’écoconception dans notre cœur, en fait on a été assez chanceux parce que notre premier client se situe à cinq kilomètres de la shop où sont produits nos écopods. Donc, au niveau des GES et du transport, on a été extrêmement chanceux, parce que si on avait eu notre premier prototype envoyé en Gaspésie, là on aurait peut-être eu un impact un petit peu plus négatif au niveau des GES. Je pense à une des choses que j’ai entendue dernièrement et qui m’a vraiment beaucoup impacté en tant qu’entrepreneur, c’est un gars qui s’appelle Gary V. C’est ça, Gaëtan?
Gaëtan Serrigny : Oui, c’est Gary V.
François Turgeon : Alors c’est à travers Gaëtan, je pense, que j’ai découvert cet homme-là, mais bref, lui, il a dit un truc sur Instagram que j’ai beaucoup aimé, il dit: « Kindness is a super power ». Et j’ai trouvé ça très beau, parce que je pense que — et c’est ce que je disais au départ — pour une entreprise, le but ultime, ce n’est pas de faire de l’argent. Le but ultime, c’est de répondre à un besoin. Oui, il faut faire de l’argent, mais surtout en entrepreneuriat et surtout au début, le problème — puis moi je sais, j’ai eu cette expérience-là — c’est de sous-estimer les besoins. Et si on sous-estime nos besoins en tant qu’entrepreneur, on se retrouve dans une situation où il peut y avoir des problèmes financiers ; on n’a pas prévu certains coûts, on n’a pas prévu que mettre en place nos prototypes, etc. allait nous demander plus de ressources… Je pense que l’écoconception quelque part, c’est aussi ce désir de se dire voilà, on n’est peut-être pas présentement — si on évalue notre écoconception présentement, on est peut-être à 20 %, 25 % ou 30 % de ce qu’on veut être. C’est très complexe l’écoconception, ça touche énormément de paramètres et une des choses que nous on a faite avec GAE, c’est qu’on a mis en place un projet avec ÉcoLeader qui doit venir en aide à l’entreprise pour la positionner, mais aussi pour développer des processus plus définis en écoconception. Je vous donne un exemple très, très simple. L’écoconception peut, par exemple, être proposée à un entrepreneur : j’ai des employés qui doivent voyager 40-50 minutes loin de mes bureaux. L’employeur peut décider par exemple de louer des maisons ou de permettre à ses employés d’avoir un espace où rester durant la semaine pour diminuer les gaz à effet de serre. L’écoconception, c’est aussi, je pense, énormément de changer les habitudes de vie des employés. Moi, je l’ai vu et on travaille avec notre secteur de production avec un homme extraordinaire qui s’appelle Robert Rondeau qui est venu en aide au projet. Robert, ça fait 25 ans qui sont en construction. Il a déjà fait son propre bateau à un certain moment, et Robert a certainement une qualité extraordinaire, mais il a un certain réflexe de constructeur classique. Et c’est cet aspect là, justement, qu’on développe avec lui, de se dire comment on peut améliorer la production? Ce que normalement on jetterait en construction, on veut le revitaliser, et c’est cette espèce de changement, ce pivot de pensée, qui fait que finalement, l’écoresponsabilité peut devenir un super pouvoir. Et les gens qui vont acheter nos structures, ils vont, les acheter en se disant que peut-être qu’au pied carré, ça revient plus cher qu’une maison normale, mais je sais qu’avec la structure et l’effort qui a été fait, je comprends et je vois la validation des différentes étapes de production, et je pense que c’est un bon investissement. À ce moment-là, les coûts et responsabilités sont un devoir, mais ça devient aussi un argument de vente.
Carmen-G. Sanchez : C’est là aussi où on peut se faire accompagner dans cette réflexion-là, et à l’Institut de développement de produits, c’est un des volets également que vous pouvez couvrir avec des entreprises qui souhaitent développer dans les grands principes de l’écoconception.
David Fauteux : Oui, exactement, ce n’est pas nouveau à l’IDP qu’on fait de l’écoconception. C’est d’un point de vue innovation une nouveauté à laquelle les entreprises sont confrontées dans comme la transition numérique, comme des enjeux d’innovation, des nouveaux marchés, de nouvelles tendances. L’entreprise qui veut intégrer l’innovation durable dans ses pratiques, c’est une approche d’un peu plus haut niveau. C’est le même principe. Donc, comment est-ce qu’on tient compte de cette nouveauté-là pour changer nos pratiques, pour se donner un avantage compétitif dans le marché? Je reviens un peu à l’exemple que François a mentionné, et en fait à l’exemple des écopods par rapport au statu quo. J’y reviens un peu parce que vous avez lancé ce projet-là et c’est votre premier produit, mais ce produit-là est tout de même en comparaison avec un équivalent qui est un chalet standard. Et là, oui, on a parlé des matériaux, on a parlé de l’aspect très interne de l’entreprise, mais quand on regarde le fondement du produit et que l’on compare ça à un chalet, eh bien, il y a aussi toute une notion système de notre produit. Dans quel système est-il? Et en l’occurrence, pour une habitation secondaire, souvent son système est dans la forêt. Donc, comment est-ce qu’on peut réduire l’impact environnemental qu’on peut avoir dans la forêt? Intrinsèquement, par des caractéristiques que vous avez faites dans votre produit., vous n’avez pas de fondations, les impacts sur la nature sont beaucoup moins importants, l’espace aux pieds carrés, vous l’avez réduit par rapport à un chalet qui peut facilement avoir 1000-1500 pieds carrés à une petite habitation à 80 pieds carrés, forcément cela a moins d’impact. Elle n’est pas intrusive par rapport à la forêt. Donc il y a des principes de base, il y a des principes qu’on peut appliquer au produit, même par rapport au statu quo, au produit équivalent. Donc une entreprise, et souvent dans les startups, la nouveauté elle est à même le premier produit qui est lancé, donc il faut être capable de voir ce qu’on peut faire à l’interne, ce que j’ai aimé, ce que j’ai entendu sur les capacités de récupération des matériaux… Mais je dirais pour les entreprises qui ont déjà des produits plus standards, c’est de voir comment mon produit peut-être conçu différemment. Comment une entreprise de construction, comme le directeur de production chez vous Constellation, conçoit des habitations d’un certain type et est capable de prendre une posture pour dire est-ce que je suis capable d’amener une nouvelle ligne de produits? Est-ce que je suis capable de faire évoluer mes produits dans une vision différente qui vont avoir forcément une réduction d’impact sur l’habitation, mais dans le système dans lequel il est. Il y a un aspect très global à l’écoconception et à l’innovation durable. Et on s’entend que pour une entreprise qui construit des chalets, qui voudrait aller dans une direction de construire de nouvelles habitations avec un faible impact, on s’entend que ça prend une volonté de changement forte dans le modèle d’affaires, dans de nombreux éléments de l’entreprise. Donc cette capacité-là, quand on parle d’écoconception ou d’innovation durable, il y a des éléments très techniques du produit qu’on aborde, mais il y a aussi une volonté de dire : est-ce que je veux changer réellement la manière dont fonctionne mon entreprise? Est-ce que je veux la changer avec des objectifs environnementaux, sociaux? Quels enjeux réellement je veux tenter de répondre à travers mes produits? Ça, c’est un aspect qu’on a peut-être moins parlé au début, mais une entreprise qui développe des produits, François l’a mentionné en fait, une entreprise qui développe des produits uniquement pour une opportunité commerciale, ça devient de moins en moins viable. Il manque quelque chose. Au contraire, une entreprise doit développer ses produits pour répondre à un enjeu, et si l’enjeu en plus, donne un aspect environnemental ou social comme portée, c’est là que l’innovation durable ou l’écoconception est un élément d’organisation, et plus uniquement juste de produits.