Carmen G. Sanchez : Pour vous Nicolas, vous aviez fait référence justement que vous êtes en télétravail, que votre équipe est un peu partout. Je crois même — je me souviens avoir échangé avec vous à d’autres occasions — d’un peu partout dans le monde. Comment est-ce qu’on réussit à recruter à l’heure actuelle quand on est basé partout et qu’il y a plus de frontières, mais que vous êtes à Sainte-Adèle et que les gens sont dans des fuseaux horaires différents. Comment se passe votre recrutement?
Nicolas Delffon : Avant, on avait cet avantage d’être, peut-être pas les seuls, mais de n’être pas nombreux à offrir ce télétravail-là. C’était recherché par certains emplois. Donc nous, on était à la recherche de ces gens qui cherchaient à pouvoir travailler pour une entreprise sans forcément être obligés d’être localisés à un certain endroit. Mon associé est à Cowansville et le siège social est à Sainte-Adèle. On a des employés qui sont à Montréal, à Québec, et on emploie aussi des gens qui viennent de l’immigration. En ce moment, on a des employés qui vont visiter leur famille en Turquie pour deux mois. Ils peuvent travailler en Turquie, ce n’est pas un problème. Donc, on offrait cette latitude et maintenant, on est en compétition avec n’importe quelle entreprise qui offre maintenant cette latitude-là.
Nous, notre problème maintenant, c’est que les salaires ont énormément augmenté depuis le début de la pandémie. Donc, c’est comment on arrive à définir c’est quoi nos nouveaux avantages compétitifs? Si on ne peut pas compétitionner sur le salaire des très grandes entreprises, c’est comment on fait pour se différencier et pour pouvoir attirer les meilleurs talents.
C’est à la culture d’entreprise de montrer les projets sur lesquels on travaille, l’impact sur lequel on travaille. C’est surtout ça qui est majeur. C’est qu’on se rend compte que les gens qui viennent travailler avec nous, ils ont à cœur. Et il faut que les projets aient un impact positif sur l’environnement, sur la population, etc. Donc c’est en faisant plus de marketing sur l’impact positif de nos projets qu’on arrive à attirer des gens. Puis c’est très difficile. Clairement, c’est très difficile aujourd’hui parce qu’on est beaucoup d’entreprises à aller dans les mêmes bassins d’employés. L’Immigration est importante, c’est-à-dire qu’on se rend compte aujourd’hui qu’il y a un énorme potentiel sur les nouveaux arrivants au Québec. Et puis, clairement, on a des gens qui ont des maîtrises, qui sont surdiplômés et qui ne trouvent pas de première expérience de travail au Québec. C’est incroyable le nombre de personnes que j’ai rencontrées qui sont dans cette situation là. Donc nous, on bénéficie de ça. On leur donne la chance et on se rend compte que ça a un impact incroyable dans notre entreprise aussi. Donc l’immigration, ça a été une piste de solution pour nous.
Carmen G. Sanchez : Donc à ce moment-là, on parle de pratiques RH, de compétitivité, à quel point vous-même, vous êtes une entreprise qui est en pleine effervescence. Le recrutement n’est pas facile pour les entreprises partout au Québec. Comment est-ce que vous arrivez à recruter du personnel qualifié spécialisé encore plus en intelligence artificielle ou intelligence de données? Comment ça se passe pour vous chez SCiiĜO?
Dr Nesrine Zemirli : En ce moment, le marché est très agressif. La pandémie a fait qu’avec la pénurie de main-d’œuvre, comme disait Nicolas, il y a beaucoup de compétition sur les salaires, sur les avantages au niveau du recrutement et de la rétention des talents de manière générale. On s’oriente vraiment beaucoup sur les migrations, sur les personnes qui sont à l’étranger. On a l’avantage d’être une entreprise délocalisée. On a des bureaux virtuels, on a toujours travaillé, et même avant la pandémie, de manière un peu délocalisée. Cela a un avantage parce qu’on est dans le digital, dans le numérique, on n’a pas besoin d’entrepôts pour stocker, ou des points de vente physiques. Donc ça permet beaucoup facilité, une certaine agilité organisationnelle et d’avoir des collaborateurs à travers le monde. Donc on regarde vers l’international pour élargir un peu plus les horizons, surtout au niveau de la formation de la main-d’œuvre. Quand tu parlais de spécialisation, on regarde plus les soft skills que les technical skills.
Pour moi, ce qui est important, c’est la culture d’entreprise, les personnes qui ont des valeurs humaines proches des nôtres et qui ont l’appétit et le potentiel de grandir et d’innover. Parce qu’on est dans une entreprise qui fait de l’innovation et qui fait de la recherche et du développement, on est beaucoup, beaucoup agiles. Ce que j’aimais tantôt, ce que disait Nicolas, c’est qu’en entreprise, au départ, vous faisiez de la planification de ce qu’il y avait à faire en une semaine. Maintenant, avec la maturité que vous avez acquise, vous avez une meilleure planification de ce que vous aurez à faire pour les 6 à 12 prochains mois. Ce niveau, ou cette culture de startup où il y a une certaine sorte de, pas de flou, mais de balancement d’agilité organisationnelle, on table plus sur des personnes qui ont ce type de profils là, qui sont capables de s’adapter, de se transformer, d’apprendre et de monter en compétences très rapidement. Donc, au lieu de chercher des personnes qui ont déjà trois, quatre, cinq, six ans d’expérience en intelligence artificielle, et là, il faudrait leur donner des salaires de plus de 100 000$, ce qui n’est pas viable pour des entreprises qui sont de notre taille. Principalement, on table plus sur des personnes qui ont de bons profils pour devenir ces experts-là dans cinq ans, qui grandissent avec nous autres. Ils vont apprendre, on va les former en interne sur des projets qu’on développe et donc ça permet d’une part de former la future génération d’experts. Donc c’est vraiment un mélange entre potentiel humain et potentiel de soft skills plus que technical skills. Parce que les technical skills ça s’apprend. C’est plus la petite graine de grain, de folie, de créativité, de curiosité intellectuelle qu’on cherche dans nos collaborateurs et qui soit ici, au Québec, aux États-Unis ou en Europe et même en Asie, on est ouvert à récupérer le talent là où il se trouve au final.
Nicolas Delffon : Je suis 100 % d’accord avec ce que tu veux dire. On fonctionne de la même manière oû le «fit» est plus humain que technologique. La technologie, elle va suivre parce que la personne va être formée avec nous, mais c’est meilleur pour la culture d’entreprise d’avoir des personnes qui «fit» avec cette culture-là. L’autre affaire aussi, c’est le maillage avec les universités ou les centres de transfert technologiques (CCTT). Comment on fonctionne, c’est qu’on va aller faire des conférences dans des programmes universitaires pour expliquer l’intelligence géographique, puis l’entrepreneuriat, ou une autre entreprise en particulier. Quelquefois, on fait des programmes pour des stagiaires ou des programmes de travaux pour des étudiants, ce qui permet de tisser des liens avec ceux-ci. Parce que clairement, toutes les entreprises vont aller piger dans ce bassin étudiant là. Il faut donc arriver à se positionner, et puis même si on a des technologies de pouvoir, qu’elles soient déjà utilisées par les étudiants, ça va faciliter ensuite la transition.