Benoit Chalifoux : Je vais faire du pouce sur les choses qui ont été mentionnées. Je trouve ça intéressant de les colorer d’une autre manière pour les mettre en valeur, parce qu’il y a eu des choses qui ont été partagées par Martyne, hyper intéressantes. Premièrement, s’intéresser aux humains. Je pose toujours la question aux gens : «Est-ce que vous êtes intéressé ou intéressant?» Quand on est sincèrement intéressé, le mot sincère est très important, on crée une connexion. Les gens embarquent dans notre vision, dans notre mission, pas quand ils ont compris ce message, mais quand ils ont compris que tu les avais compris, que t’avais connecté avec ces gens là. Donc, êtes vous intéressé ou intéressant? S’intéresser aux humains, comme Martyne l’a dit, c’est fondamental. Il y a un autre chose qu’elle a mentionné, c’est par rapport à la santé mentale de nos employés, de nos collègues. Quand on demande : «comment vas-tu?», c’est une première étape. Mais je trouve que c’est encore plus intéressant quand on va dire à Martyne qu’on côtoie toutes les semaines : «Et puis, comment était le tournoi de soccer de ta fille samedi?» Parce que ça ouvre un dialogue, et ça va encore plus loin que le «Comment vas tu?», qui est le point de départ, sincèrement, mais qu’on peut amener plus loin pour amener un dialogue qui ouvre une discussion où on ne sait pas où est-ce que ça va se terminer.
D’être précis dans le souci de l’autre, je trouve que ça amène un élément supplémentaire fort intéressant, et ça me fait penser aussi avec mes enfants, parce que tout ça, c’est universel. Si je dis à mon fils : «comment cela a été à l’école?», alors il répond que cela a bien été. Mais si tu dis : «Qu’as-tu appris à l’école?», ça change la donne, et c’est vraiment intéressant. Donc je voulais juste faire du pouce sur ce que Martyne disait. Et pour moi, dans n’importe quel écosystème technologique – où j’interviens énormément – mais dans d’autres industries également, il y a trois éléments qui sont plus secrets du tout et qui a bien été vulgarisé par des chercheurs; je les appelle les trois C. Évidemment, ils viennent de concepts scientifiques, soit l’autonomie, l’affiliation à l’autre et la compétence. Mais je les appelle les trois C dans les organisations, pour ceux qui nous écoutent, l’autonomie se traduit par des choix. Lorsqu’on perçoit un choix, on perçoit une motivation. Évidemment, Martyne, dans son entreprise, c’est son rôle de donner des cadres, de paramétrer une vision, et que, à l’intérieur de celle-ci, il y ait des choix pour les employés. C’est synonyme de motivation. Le deuxième ingrédient, c’est la communauté -chose que tu sembles bien bâtir, Martyne, à t’écouter là, avec ces différentes générations – comment créer un sentiment d’appartenance? Oui, la santé mentale et physique, déjà, est une des préoccupations. La communauté. Lorsqu’il y a un sentiment de connexion avec tous et chacun, on va beaucoup plus vite dans une mission commune, la communauté. Le troisième, c’est la compétence, et tu l’as mentionné, on a besoin aussi de se sentir bien outillé, bien compétent, pour répondre aux actions qu’on nous demande de faire, aux tâches qu’on nous demande de faire. Il faut faire attention. La compétence, il faut amener un climat, une culture où on peut apprendre de tous. C’est-à-dire que même la personne qui vient d’arriver, on peut apprendre de cette personne, de valoriser l’apprentissage commun. On sait que l’apprentissage peut se faire de tous les niveaux, comme à l’université dans un cadre structuré, mais ça peut se faire aussi dans un apprentissage social envers nos pairs, et également dans un cadre auto dirigé par nous mêmes, de valoriser tout ça. Donc pour moi, cet écosystème, et tout ce que Martyne racontait, c’est exactement ce que la recherche nous démontre sur la motivation, sur comment mobiliser les gens. Et s’il y a un élément plus important que l’autre, pour moi, c’est ce besoin de connexion. C’est viscéral chez l’être humain. Lorsqu’on se sent connecté, lorsqu’on se sent, qu’on est entendu, qu’on est valorisé, respecté et écouté, on a envie d’embarquer dans la mission qu’on nous propose.
Carmen-G. Sanchez : Comment fait-on justement, quand on est gestionnaire dans notre département, par exemple si je me mets dans un contexte manufacturier et qu’on gère une certaine taille d’équipe et qu’on le voit l’importance, on le vit de l’intérieur, mais que ça ne se traduit pas au sein de notre organisation, comment est-ce qu’on peut s’y prendre pour commencer à cheminer vers une culture qui va être davantage centrée sur sur l’humain, sur les employés qui composent l’entreprise?
Martyne Malo : Je peux vous dire comment je procéderai, mais je vais compter sur Benoit pour plus mettre ça en forme, mais je peux vous dire comment je ferais. D’abord, je vous dirais ça part du gestionnaire en tant que tel. Je dois me reculer et m’asseoir sur ma chaise, puis penser deux minutes – peut être plus que ça – à ce que moi je veux créer. Alors, ce que je constate qui me met mal à l’aise, ou qui me mets moins à l’aise – ça, je fais ça pour l’humain, mais je peux faire ça pour mes chiffre aussi, je peux faire ça pour mon futur -alors moi, je vous dirais ça va d’abord être une réflexion en ce qui me concerne. Qu’est ce que tu observes? Qu’est ce qui est satisfaisant? Qu’est ce que tu penses qu’il faudrait faire autrement pour réaliser quelle vision ou pour réaliser quels objectifs si j’étais un petit peu plus micro. Un coup que j’ai comme fignolé ma trame, et sachez que pour moi fignoler cette trame là, ça ne se fait pas pareil comme compter une colonne de chiffres. Je dois être à l’aise pour ne pas avoir de réponse immédiate, je dois cheminer une journée, trois jours, et mon cerveau va travailler en arrière. Un moment donné va émerger ce que je pense que je devrais créer, puis je vais aller partager, à savoir si c’est juste ma lecture à moi, ou mes employés, les gestionnaires ont aussi cette lecture là. Donc j’arriverais sur un plancher de production – parce que derrière, j’ai travaillé dans le manufacturier et je comprends cette chose-là – et là, je vais aller à la pêche : » Tu vis ça comment?» Voici ce que je vois, voici ce que je perçois, et je vais aller chercher d’autres informations si jamais j’ai besoin d’aller chercher d’autres informations.
Et puis, du coup, je vais commencer à me faire un plan d’action pour vrai, avec ce je veux faire en premier, en deuxième, et en troisième. Puis, je vais regarder ce que ça donne, mais parallèlement à ça aussi, quand j’ai cheminé, j’ai moi aussi fait des formations pour être une meilleure gestionnaire. Alors j’ai étudié la psychologie, rien de moins. J’ai décidé d’aller chercher une certification en PNL pour mieux utiliser les mots. Puis, quand je suis tombé dans l’approche appréciative, c’est-à-dire reconnaître ce qui est là, reconnaître ce qui devrait être là davantage, puis reconnaître ce qu’est ce qu’il y a de nouveau que j’aimerais qu’il soit là. Je vous dirais que juste ça, c’est très mobilisateur pour faire, comme disait Benoit tantôt, faire rêver les gens. Avoir une approche appréciée, active, orientée objectifs, moi, ça m’a permis de créer des équipes qui sont mobilisées dans la créativité d’une situation. Au lieu de dire aujourd’hui je tiens une réunion sur les plaintes clients, je préfère dire aujourd’hui on va se jaser de la satisfaction client. On va reconnaître d’abord en quoi les clients sont satisfaits, puis ensuite on va dire quoi d’autre qu’on pourrait faire pour qu’ils soient encore plus satisfaits. Puis comment nous, pas qu’on se motive, mais qu’on reconnaît une contribution à valeur ajoutée, et qu’on est fier de ce qu’on fait aussi.
Puis enfin, j’ai un modèle que j’ai nommé ainsi, je ne sais pas Benoit si c’est écrit quelque part, mais vous saurez me le dire. Moi, j’appelle ça le triangle. Je me dis quand on regarde les contributions et les perceptions, les contributions des gens, puis la certaine performance, et bien il y a trois points. La performance d’un individu, ou d’une personne, bien sûr que la personne a un pouvoir par rapport à ça, mais il y a l’organisation avec ces systèmes facilitant, ou moins facilitant. Il y a le gestionnaire avec sa capacité de planifier, organiser, diriger, contrôler, jaser avec le monde et s’intéresser à l’humain, qui fait que ces deux variables là vont impacter la performance individuelle. Alors moi, j’invite tous mes gestionnaires avant d’aller voir l’employé pour dire : » Ouin bien aujourd’hui, tu as trouvé juste trois bogues. Il faudrait que tu en trouve plus dans les prochains jours.» C’est assez aride, c’est inutile, ça ne sert à rien. Alors moi je dis ça, c’est un indicateur. Peut-être y a-t-il des raisons valables, mais en même temps, on va remonter. Qu’est ce que toi comme gestionnaire, tu as donné comme consigne? Jusqu’où tu es allé pour habiliter la personne à trouver des bogues? Et au niveau organisationnel, est-ce que j’ai les bons outils? Est-ce que moi-même j’ai formé les gestionnaires à donner des bonnes explications, des bonnes consignes de travail? Et quand on tient ça en équilibre, ce que je dis à mes gestionnaires, c’est que vous comprenez que la personne, l’humain, a 1/3 de pouvoir sur sa performance, les deux autres tiers sont à l’extérieur de ça.
Donc, avant de dire à quelqu’un qu’il n’a pas fait si ou ça, ne vous présentez jamais sans avoir fait des devoirs. Et j’ai deux personnes qui font ça pour aider mes chargés de projets. J’ai deux personnes dans mon équipe à qui je dis que s’ils n’ont pas le temps, il y en a deux qui vont le faire à votre place. Ils vont aller voir et vont jaser avec la personne. Puis là, ils vont remonter avec les infos : voici ce qui appartient à la personne, voici ce qui appartient au gestionnaire, voici ce qui appartient à l’organisation, et ensemble comment on peut faire avancer ça? Donc Benoit, je ne sais pas si c’est un vrai modèle, mais en tous cas, c’est celui que j’utilise.
Benoit Chalifoux : J’adore! Moi, je vous écouterai Martyne, pendant des heures. J’ai déjà deux pages de notes, j’adore ça! La première chose que je veux dire, c’est que quand on parle de culture organisationnelle, de culture d’entreprise, je ne crois pas qu’il existe une vraie culture organisationnelle, sans une vulnérabilité commune. Lorsqu’on est vulnérable, et c’est un peu ça que tu évoques depuis tantôt, il y a comme une imputabilité. Puis, en même temps, on relève de tous et chacun, donc il y a une co-dépendance. C’est pas juste juste moi avec ma tâche, mais d’autres peuvent prendre la relève. Donc il y a une vulnérabilité commune, et cette vulnérabilité est l’essence d’une culture qui va fleurir, c’est la première chose.
Pour moi, la vulnérabilité commune est l’essence qui nourrit une culture qui va prendre de la force et de la rigueur. Et moi, j’ai un autre triangle, Martyne, un autre triangle inversé qui est bien simple. Je l’appelle les trois C et pour moi, peu importe si par exemple je vous pose la question depuis combien de temps vous avez le même coiffeur, ou la même coiffeuse, ou depuis combien de temps vous avez le même garagiste, souvent, les gens qui me répondent ça fait 20, 30, 35 ans, je leur demande pourquoi en un mot, puis le mot qu’ils vont me transmettre, c’est toujours le même, c’est la confiance. Et la confiance se trouve dans le triangle inversé. Évidemment, dans la finalité, ce qu’on veut obtenir envers tes employés tu as parlé de fidélité comme valeurs, d’humilité, de loyauté. Bien évidemment, la confiance, ça se développe au sein de toutes ces belles valeurs que tu as évoquées. Et les deux C d’entrée de jeu quand tu embauche quelqu’un, tu veux que la personne ait le bon Comportement, le Care, le fameux bon Comportement, mais tu sais que le Comportement doit être jumelé d’une manière habile avec la bonne Compétence. Sauf qu’à valeur égale, la Compétence, le Comportement va toujours gagner sur la Compétence. Parce que ta belle attitude te permet de pallier au manque de Compétence que t’as pas, mais il y a un écart à ne pas obtenir non plus. On veut avoir quand même quelqu’un de compétent, et c’est pour ça qu’on dit en vente : la Compétence ne fait jamais vendre, mais tu pourrais perdre des ventes si tu n’es pas compétent. Ce qui fait qu’on crée un lien durable avec nos clients, nos collaborateurs, c’est le côté comportemental, la bonne attitude. Donc un autre triangle, les trois C.
Je trouve que c’est une belle manière de développer une belle culture d’organisation. On veut des gens hyper compétents, armés de la bonne attitude, qui nous amènent à un climat de confiance à l’intérieur de l’organisation et à l’extérieur de l’organisation. Et quand on a une vulnérabilité avec nos clients, avec nos collaborateurs, on est prêts à même si ça ne s’est pas bien passé sur cette période X, on n’est pas prêt à tirer la plogue, on est prêt à le partager, à dire on va amener du monde des deux côtés, puis on va régler le problème. Donc là, juste faire du pouce sur ton témoignage qui était vraiment on point avec ma vision des choses.