On a l'environnement
à cœur chez Tricentris!

Sujets et thèmes abordés : Commercialisation, économie circulaire, écoresponsabilité, marketing, R&D, recyclage.

Innove Inc. 27 – Innover pour un futur plus vert

Économie circulaire, Financement, Économie circulaire, Maillage entreprises, Innove inc., R&D

  
Note : Connexion Laurentides n’est en aucun cas responsable des affirmations émises par les invité.e.s. Veuillez noter que cet épisode a subi quelques coupures au montage de manière à fournir un résumé captivant.

Dans Innover pour un futur plus vert, on aborde l’innovation entrepreneuriale dans les secteurs du recyclage, de la récupération et de la transformation du verre. Que vous soyez un détaillant, un manufacturier ou une entreprise de services, l’objectif est de vous informer et de vous inspirer à cultiver une culture d’innovation qui contribue à une économie plus verte.

 

Pour l’épisode 27 d’Innove Inc., nos deux invités sont des champions de la communication environnementale, et ça s’entend!  Avec M. Grégory Pratte – Responsable des affaires publiques chez Tricentris la coop, Ambassadeur Verrox et Coach du bac, ainsi que Mme Marlène Hutchinson – Fondatrice et Présidente de Evnia firme-conseil.

 

🎧 Une écoute énergisante qui donne envie de contribuer à créer un avenir plus vert!

Présentation de nos invité.e.s

Grégory PratteResponsable des affaires publiques chez Tricentris la coop, Ambassadeur Verrox et Coach du bac

Communicateur, agent de sensibilisation, conférencier, chroniqueur et Coach du bac, M. Grégory Pratte aide à démystifier et à vulgariser le merveilleux monde du recyclage et de la collecte sélective. Diplômé en administration et en ressources humaines, il est le responsable des affaires publiques chez Tricentris la coop et ambassadeur Verrox. Expert de la sensibilisation en matière de récupération et de recyclage, il est aussi l’homme qui répond sans relâche à vos questions – jusqu’à 300 fois par jour!! –  sur le compte Facebook de Tricentris, qui a d’ailleurs créé la plus grande communauté sur la récupération au Québec et qui est devenu LA référence québécoise pour avoir toutes les réponses à vos questions sur la récupération et le recyclage.

 

Tricentris la coop est un centre de tri situé dans la MRC d’Argenteuil qui ne se contente pas de desservir 234 municipalités, d’avoir trié à ce jour plus de 7 M de tonnes de matières et d’avoir 60 000 membres de communauté Facebook (de quoi en rendre plusieurs envieux!). En effet, Tricentris a aussi développé plusieurs nouveaux produits issus de la transformation du verre, sous le nom de Verrox, en collaboration,  entre autres, avec la chaire de recherche de l’Université de Sherbrooke. Avec l’ouverture de son usine de micronisation du verre, Tricentris produit aujourd’hui de manière industrielle de la poudre de verre Verrox. Fabriquée à partir de verre récupéré, elle offre une nouvelle voie de valorisation à cette matière tout en fournissant un ajout cimentaire performant. De plus, l’usine produit plusieurs autres débouchés faits à partir du verre recyclé comme une poudre de verre utilisée dans des membranes imperméabilisantes et du verre cellulaires ainsi que des abrasifs, du verre de filtration, du paillis de verre et du terreau de verre.

 

LinkedIn

Mme Marlène HutchinsonFondatrice et Présidente de Evnia firme-conseil

C’est en alliant deux de ses passions, soit l’environnement et le désir d’aider les gens,  que Mme Marlène Hutchinson trouve l’inspiration de créer en 2005 sa propre firme de consultants en écofiscalité Cycle environnement. devenue Evnia firme-conseil.

 

Détentrice d’une maîtrise en environnement de type recherche et bachelière en psychologie, elle s’est taillé une solide réputation dans son domaine à travers le Canada. Visionnaire,  elle a créé Steward6, un logiciel unique qui offre un service clé en main pour la déclaration des écofrais, avec une prise en charge complète du processus de gestion par son équipe de spécialistes. 

 

Par ses connaissances pointues en matière d’éco frais et de gestion des matières résiduelles, Mme Marlène Hutchinson s’est mérité plusieurs reconnaissances prestigieuses telles que le Prix Distinction 2020 – Secteur matières résiduelles décerné par Réseau Environnement, le Prix 2021 « Entrepreneure d’impact – entreprise à propriété féminine certifiée » du RFAQ (Prix des femmes d’affaires du Québec) et une nomination en 2021 parmi les 100 entrepreneures qui changent le monde par Évol.

 

Elle est aussi l’auteure de trois livres  : Vos déchets et vous,  Vice caché, et Objectif zéro déchet.

 

LinkedIn

Inspirations de nos invité.e.s

Grégory Pratte – Responsable des affaires publiques chez Tricentris la coop, Ambassadeur Verrox et Coach du bac

 

Mme Marlène Hutchinson – Fondatrice et Présidente de Evnia firme-conseil

  • Documentaire Demain réalisé par Cyril Dion et Mélanie Laurent

Extraits de l'épisode Innove Inc. 27 - Innover pour un futur plus vert

1. Qu’est-ce que l’innovation pour vous?

Marlène Hutchinson : J’ai longuement réfléchi à ce qu’est l’innovation pour moi. On m’avait dit qu’il y avait cette question-là et c’est quand même complexe de déterminer ce qu’est l’innovation… Alors je me suis même préparé une note pour m’assurer de dire exactement le fruit de ma réflexion. Pour moi, l’innovation c’est vraiment de faire face au changement en développant des solutions créatives et nouvelles qui vont permettre de simplifier les processus.

 

Grégory Pratte : Excellente définition ! Moi, je suis plutôt allé vers des mots clés. Je me suis dit, c’est « nouveauté ». Des idées, on en a tous. Le défi de l’innovation, c’est de transformer cette demande et d’en faire un modèle d’affaires viable. Parce que des idées, on en a tous. On est très créatifs au Québec, mais dans toutes les idées qu’on a, il n’y en a que quelques-unes qui réussissent à passer la rampe. Et c’est un peu ça pour moi l’innovation, c’est d’essayer de réfléchir à une nouvelle façon de faire les choses.

2. Au niveau de la gestion des matières résiduelles, quelle place est ce que vous donneriez à la région des Laurentides et au Québec quant aux dernières innovations dans ce secteur?

Grégory Pratte : Dans la région des Laurentides, si on considère que Tricentris, c’est dans la région des Laurentides, ce qui est un fait. Au niveau du verre en tout cas, c’est quand même assez particulier parce que nul n’est prophète dans son pays, alors au Québec on fait comme :» ah bien…. c’est le fun ce que font Tricentris, mais on ne sait pas ce qu’il faut faire avec le verre.» Alors que partout dans le monde, les gens nous appellent. J’ai eu des Australiens, des Allemands, des Français, des gens d’Angleterre et des Américains qui sont venus en disant : » Et c’est bien ce que vous faites au Québec, on aimerait ça le faire moi aussi chez nous.» Donc, c’est intéressant de voir qu’une innovation qui a été développée avec l‘Université de Sherbrooke, c’est vrai, mais entre la recherche universitaire, puis le transfert industriel, c’est-à-dire de le faire pour vrai, pas seulement dans un laboratoire, il y a tout un univers. Donc, je pense qu’au Québec, je le dis souvent, si vous me suivez sur LinkedIn, je dis souvent ça : on est hot au Québec, c’est juste qu’on ne le sait pas.

 

C’est un peu cette idée-là, c’est qu’on a encore ce complexe un peu qui est en nous qu’on est un peu né pour un petit pain, puis qu’on n’est pas si bon que ça finalement, puisque les autres sont meilleurs que nous. Pourtant, quand on regarde ce qu’on est en train de faire au Québec, je le vois dans la filière – par exemple des batteries hier, il y a des bonnes, il y a des annonces qui ont été faites dans ce sens-là – mais avec le verre aussi, puis plein d’autres matières. Bien, il y a de l’innovation qui se fait au Québec, puis il faut juste donner, excusez mon expression, mais il faut donner du gaz. Donc il faudrait supporter nos entreprises un peu plus. Il faudrait les aider un peu plus. Il faudrait acheter un peu plus québécois et il faudrait supporter nos innovations. Donc, c’est vraiment un travail d’équipe, l’innovation, ce n’est pas juste l’idée, c’est comment en faire un modèle d’affaires viable.

 

Marlène Hutchinson : Puis malheureusement, moi ce que je trouve, c’est qu’au Québec, en gestion des matières résiduelles, bien qu’il y a plein d’innovations, on ne les met pas en place. Il n’y a pas d’aide gouvernementale ou le gouvernement n’est pas très présent pour pousser ces innovations-là. Donc, ce sont des innovations qui vont être exportées avant d’être utilisées au Québec.

 

Grégory Pratte : Tout à fait vrai. New York a fait des trottoirs en Verrox avant que le Québec en fasse. C’est quand même assez hallucinant quand on pense à ça. Il y avait des défis, mais ils ont encore des défis, mais des défis d’îlots de chaleur; mettre du Verrox qui paralysait les infrastructures. Donc, au niveau des îlots de chaleur, c’est intéressant. L’autre chose, c’est que faire un trottoir à New York, ça engendre de bloquer des rues, et bloquer des rues à New York – je ne sais pas si vous y êtes déjà allé – mais c’est une très mauvaise idée. Donc ils aiment mieux faire des trottoirs qui vont durer dix fois plus longtemps tant qu’à bloquer la rue pour une fois. Donc c’est un exemple parmi tant d’autres, mais c’est vraiment ce qui se passe en ce moment, c’est qu’au Québec, on est très frileux. On est très fort en table de concertation, puis en projets pilotes, ça, on est vraiment bon là-dedans, mais essayer de nouvelles choses, on est un peu frileux.

 

Marlène Hutchinson : Oui, on revient toujours souvent à ce qui s’est déjà passé puis on essaye de le transformer. Tu sais, je me dis que l’innovation pour moi, c’est au-delà de transformer ce qui se fait, c’est de faire table rase et on recommence, puis on a de nouvelles idées et on met de nouvelles choses en place. Oui, on regarde ce qui se fait ailleurs, mais je pense qu’en gestion des matières résiduelles, on fait juste… Bon, tu sais, on a commencé par mettre la collecte de déchets en place et après ça, on a juste ajouté, ajouté et ajouté des collectes. On n’a jamais rien revu du système, donc c’est juste un système que moi, je trouve qu’il est un peu désuet. Je me dis toujours qu’il me faudrait juste recommencer à zéro, puis revoir l’ensemble du système et non pas juste prendre des choses qui existent déjà et essayer de le bonifier. Je pense qu’on est rendu un peu plus loin en 2022. On en est capable. On a de belles technologies qui se mettent en place, mais très tranquillement parce que c’est un milieu que, comme je dis, il y a peu d’investissements. Tricentris, ils en font beaucoup dans leurs centres de tri, mais il y a d’autres centres de tri qui existent depuis plusieurs années, qui ne font aucun ou très peu d’investissements, ce qui fait en sorte qu’on a des reportages plates qui sortent en disant que nos matières résiduelles, on les exporte, mais ce n’est pas la vérité dans tous les centres de tri. Oui, ça se peut qu’un ou deux centres de tri fassent ça, mais ce n’est pas l’ensemble au Québec qui fait ça.

 

Grégory Pratte :  Tu fais bien de le souligner, parce qu’effectivement on n’est pas tous égaux, mais on n’a pas tout le monde le même modèle d’affaires non plus et on n’a pas tous la même façon de fonctionner. Chez Tricentris, ça fait plusieurs années qu’on parle de recyclage local. Puis les gens disaient : «Eh bien oui, mais là, c’est bien plus payant de l’envoyer à l’étranger» ou «Ouais… mais c’est beaucoup mieux de recycler localement, les GES, stimuler nos entreprises au Québec, tout ça, faut stimuler les marchés». On était dans les premiers à le faire.

 

Je me rappelle la première fois qu’on a sorti notre carte matières où on expliquait – on a fait la première carte matières il y a peut-être cinq ans – où allait la matière. On a eu des appels de gens, de décideurs qu’on va appeler, qui ont dit : «Vous ne pouvez pas faire ça, ça met dans l’embarras les autres.» 

– «Ah oui, comment ça?»

-«Bien parce que vous vous dites vous le faites, ça veut dire que les autres ne le font pas.»

Alors on a répondu :  «OK, mais est-ce qu’on pourrait élever notre game? Est-ce qu’on pourrait élever notre niveau de jeu, tout le monde ensemble, au lieu d’aller au plus bas soumissionnaire? Au lieu d’aller aux plus bas dénominateurs communs? Pourquoi ne pourrait-on pas aller plus loin?»

C’est ce qui est en train de se passer tranquillement. Je pense que les gens sont de plus en plus conscients aussi de l’importance de recycler localement, d’encourager ces entreprises québécoises. Tu sais, on l’a vu là avec la pandémie. Quel est le produit qui s’est vendu en premier? C’est le papier toilette. Et de quoi est-il fait? Avec de la fibre recyclée. Bien, c’est drôle, on a comme plus recyclé au Québec.

  

Carmen-G. Sanchez : J’aimerais revenir sur quelque chose que vous avez mentionné, Marlène, en termes de table rase. Est-ce que pour vous c’est la seule piste de solution ou est-ce qu’il y en a d’autres pour justement amener de l’innovation dans la différence? Surtout quand il est question de l’environnement, pour réfléchir à de nouvelles façons de faire des nouveaux processus. Est-ce qu’il faut nécessairement faire «OK, un instant, pause» ou  on peut aussi puiser, s’inspirer d’idées d’ici ou de l’étranger, puis d’essayer?

 

Marlène Hutchinson : On n’est pas obligé de faire table rase. Là, c’est sûr que c’est extrémisme mon affaire. Alors je pense que oui, on peut s’inspirer de ce qui se fait ailleurs et en même temps regarder ce qu’on fait de bien au Québec, ce qui fonctionne bien présentement et bonifier ça. Comme notre système de récupération actuel; il fonctionne très bien. Tu sais, on a des camions qui passent à nos portes et 99 % des Québécois sont desservis par une collecte porte-à-porte des matières recyclables. C’est parfait, mais là, on est en train de faire des changements qui vont un peu défaire ce système qui va très bien pour ramener un système différent. Donc l’élargissement de la consigne, la modernisation de la collecte sélective qui ne sont peut-être pas les meilleures solutions à mettre en place. Je pense qu’avant de faire ça, on regarde donc ce qu’on fait de bien. Donc c’est un peu ça que je me dis. Oui, prendre une pause, réfléchir et arrêter aussi d’avoir cette pression lobbyiste, je pense qu’autour de ça, il doit en avoir beaucoup. Écouter aussi les citoyens, puis bien expliquer, parce que souvent, quand on parle aux gens de la consigne, ils pensent que c’est la meilleure solution possible parce que dans leur tête, ça fait 20 ans qu’ils se font marteler que ce qu’ils mettent à la consigne, ça va être réutilisé, mais c’est pas le cas. C’est recyclé, tout comme ce qu’on met dans notre bac de récupération, dans notre bac bleu. Donc je pense que là aussi, il y a une grande éducation à faire auprès de la population, sur ce qui se passe avec nos matières, pour qu’ils puissent prendre des décisions éclairées sur où ils décident de mettre quoi, ce que Gregory fait bien avec son Facebook. Je pense que c’est super intéressant. Moi, j’avais essayé de le faire avec des livres, mais je pense qu’aujourd’hui, Facebook, c’est encore mieux.

 

Grégory Pratte : Non, les livres, c’est bon aussi. La radio, c’est bon. Les podcasts aussi. En fait, il faut multiplier les plateformes d’information, c’est ce qu’il faut faire à mon avis. Tu sais, je pense que dans la communication au niveau de la gestion des matières résiduelles, ce qu’on a oublié d’expliquer aux citoyens au cours des 30 dernières années, c’est pourquoi. Il faut, mais pourquoi? Qu’est-ce que ça donne? On ne leur a pas expliqué ça. On ne les a pas écoutés. On met en place des choses, puis on dit : «Bien, on est rendus là, alors vous êtes obligés de suivre», mais on ne prend pas le pouls de la population. Comment on va arriver à se connecter? Parce que c’est ça l’objectif, c’est de connecter avec la communauté, de connecter avec le citoyen pour que son geste ait un sens. C’est la même chose dans la gestion des matières résiduelles. Si on dit par exemple, une boîte de carton quand on la met dans le bac, bien ça donne telle chose, telle chose et telle chose, et ça permet d’être envoyé chez Cascades, qui est une entreprise québécoise, puis de faire des produits qu’on consomme nous-mêmes. Il n’y a pas ce storytelling là du pourquoi en ce moment. C’est plutôt : «Ne fais pas ça. Tu n’es pas fin. Tu n’es pas bon», et on va te montrer un camion et comment ça va mal. C’est sûr que ça finit mal, surtout là; on sort d’un deux ans difficile, donc on a l’épiderme sensible. Ce n’est pas le temps de commencer à culpabiliser les gens, c’est le temps de les écouter, d’être bienveillant, puis c’est le temps d’encourager. 

 

Surtout, comme le disait Marlène, il y a plein de super idées au Québec. Comment ça se fait que tous les trottoirs – là, je vais avoir l’air du gars qui prêche pour sa paroisse – mais comment ça se fait que tous les trottoirs du Québec ne sont pas faits avec de la poudre de verre? Comment ça se fait que tous les tuyaux au Québec ne soient pas faits avec des contenants numéro deux qui viennent du bac de récupération? Tu sais, il y a des outils, il y a des choses qui se passent, il y en a des entreprises qui innovent au Québec. Est-ce que ça pourrait être dans un appel d’offres? Puis dire bien, il faut que ce soit fait au Québec avec un contenu recyclé. Est-ce qu’on pourrait faire ça? Tu sais, sûrement que t’as entendu cette légende-là, de quelqu’un qui allait aux toilettes au Parlement et qui a vu que le papier venait de l’Angleterre ou des États-Unis, je ne le sais pas, mais ce n’était pas une marque québécoise. Tu sais, il y a comme une légende de ce type-là, mais c’est vrai que c’est le plus bas soumissionnaire conforme. Alors, eux autres, ils s’en foutent d’où ça vient, mais il faut encourager notre créativité, ce qu’ont fait avec nos entreprises. Et là, ça va contribuer à une amélioration. Tantôt, quand Marlène disait qu’il faut faire table rase, je suis un peu plus d’accord avec ton deuxième bout là, qui est plus subtil, dans le sens que je ne suis pas d’accord avec le fait de faire table rase, mais je suis d’accord avec le fait de dire : «OK, on va prendre les 27 centres de tri, puis chacun va dire c’est quoi ses trois meilleurs coups, on va tout mettre ça ensemble, puis on va essayer ensemble de s’améliorer. On va essayer de devenir meilleur, de s’élever tout le monde ensemble». Mais ça n’existe pas. Nous, quand on a dit aux gens de regarder ce qu’on fait, avec le verre qui va notamment bien, je n’ai pas vu d’autres centres de tri qui ont pris cette tangente.

3. Parlez-nous de l’histoire de Verrox.

Grégory Pratte : En fait, tout part de la SAQ, avant qu’ils soient pro-consignes. Dans le temps, eux, ils disaient que c’est beau de récupérer, parce que la consigne, c’était une méthode de collecte. L’enjeu de la gestion des matières résiduelles, c’est le débouché. Ce sont deux affaires. Ce n’est pas ramasser ton contenant parce que ça, c’est 99 % de la population qui a un bac. C’est facile de recueillir la matière. Le verre, d’ailleurs, c’est une des matières qui est la plus récupérée au Québec. Peu de gens le savent, mais c’est ça. Donc, ce n’est pas une méthode de collecte, c’est de trouver des débouchés. Donc ils ont travaillé avec l’Université de Sherbrooke et ils ont financé une chaire de recherche. Ils ont dit : « Là, on a des bouteilles de vin, elles viennent de partout dans le monde, on ne peut pas les retourner partout dans le monde et ce n’est pas vrai qu’on va les laver, parce qu’elles ne sont pas conçues pour ça. Alors, qu’est-ce qu’on peut faire avec ce verre-là? » Là, il y avait différents enjeux. Il y avait des enjeux de couleurs, parce qu’il y a du verre vert, il y a du verre brun, il y a du verre clair, bref, il y avait des enjeux de couleurs. Donc, ils sont arrivés avec cette idée de créer une poudre de verre qui est un ajout cimenté qui vient créer — là, c’est vraiment très technique, attention — qui vient créer un gel de CSH. Donc dans le fond, c’est une colle pour le béton pour le solidifier, mais elle garde les propriétés du verre. Un des problèmes du béton, c’est le sel, les ions de chlore. Quand il y a beaucoup de gel et dégel, l’eau rentre dans le béton avec le sel, puis fait éroder les matériaux. Par exemple, il y a un phénomène d’érosion au niveau des rods d’acier dans des ponts et c’est pour ça qu’on voit que les ponts craquent. On voit aussi que les gouttelettes d’eau entrent dans le béton, puis, avec le gel/dégel, ça fait éclater le béton ; c’est ce qu’on appelle l’écaillage. Là, comme c’est du verre — on se rappelle ce qu’est le principe du verre — c’est de ne pas faire passer le liquide à travers, donc l’eau ne rentre pas dans le béton. Je vous résume ça en gros, mais ce qui permet d’avoir une durabilité de béton de jusqu’à dix fois plus longtemps.

 

Carmen-G. Sanchez : Est-ce que c’est la première caractéristique qui est bien intéressante pour les partenaires internationaux qui vous approchent?

 

Grégory Pratte : Bien, c’est clair. Premièrement, c’est d’avoir un débouché pour le verre. Si on regarde les pays insulaires, ça leur coûte très cher de faire entrer de la matière, puis ça leur coûte très cher de la faire sortir de l’île, alors s’ils peuvent faire quelque chose avec le verre à l’intérieur, c’est mieux, d’où le principe d’économie circulaire. Donc c’est pour ça qu’il y a beaucoup de pays qui s’intéressent à ça, mais ils ont des problèmes d’infrastructures aussi. Comme je le disais tantôt avec l’exemple de New York, bloquer une rue c’est quand même compliqué, donc si tu le fais dix fois moins, bien c’est dix fois plus intéressant. Puis en plus, tu donnes une deuxième vie à ce verre-là. Donc c’est arrivé à l’Université de Sherbrooke ; ils sont arrivés avec le sac de poudre. Tu sais, en gros, c’est ça : ils sont arrivés avec le sac de poudre, ils ont dit voici, c’est ça qu’on a découvert et là, nous on a dit OK, nous, on va le faire, mais il fallait le faire en usine… 

 

Alors c’est là que ça s’est développé. On a écouté l’industrie et appris comment ça fonctionne, parce que c’est une industrie très conservatrice l’industrie du béton, ça fait des centaines d’années, voire même des milliers d’années, qu’on fait le béton de la même façon. Alors là, si tu dis qu’on va ajouter de la poudre de verre, l’industrie répond non : « Regarde, moi j’ai un silo pour ce produit-là, et celui-ci, mais je n’ai pas d’autres silos pour la poudre de verre ». Alors il fallait les amener à penser autrement. Après ça, il fallait avoir une normalisation de cette poudre de verre, parce qu’il y a des normes, des certifications ; on parle de projets d’ingénierie… mais en 40 ans, il n’y a eu aucun ajout supplémentaire qui avait été normé parce que ce sont des chasses gardées. Celui qui vend la fumée de silice, lui, sait qu’il vend un certain nombre de millions de tonnes de fumée de silice, puis il y a quatre fabricants de ciment sur la terre. Alors tu prends ton téléphone, et c’est ligne 1, puis 2,3 et 4, puis c’est eux autres qui décident du prix. C’est — je le sais, ça dépeigne de ce que je dis — mais c’est ça. Donc quand toi tu arrives et que tu dis : « Je vais remplacer 10 % de ciment dans un mélange de béton. » La réponse c’est : « Non, non, non attends une minute, tu vas m’enlever 10 % de marché ». Ce à quoi tu réponds : « Oui, mais attends… ce n’est pas juste ça. Le béton va aussi durer dix fois plus longtemps ! ». Alors là, tu comprends qu’à partir de ce moment, tu as des points rouges sur le chest. Là, tu commences à avoir des ennemis ; il y a quatre puissances en fait qui ne voulaient pas que ça fonctionne, mais la certification est arrivée. 

 

En 2018 on a été certifiés CSA et la poudre de verre est maintenant un ajout cimentière réglementé certifié, donc on peut l’utiliser autant dans les trottoirs que dans des ponts que dans les infrastructures, etc. Et ça, c’est au Québec là ! C’est le professeur Arezki Tagnit-Hamou qui est professeur de l’Université de Sherbrooke qui a vraiment poussé ce projet-là parce que c’est quelqu’un qui avait une grande crédibilité. Donc, on a commencé, mais ça, c’est un accomplissement incroyable pour le Québec d’avoir un nouvel ajout cimentaire.

 

Carmen-G. Sanchez : Puis localement aussi Verrox a eu un bel impact avec Tricentris, sur la MRC et sur tout l’écosystème qui s’est construit autour.

 

Grégory Pratte : Ah bien oui ! Il s’est fait des skateparks, il y a des gens qui sont arrivés avec des projets de mobilier urbain, il y a des gens qui sont arrivés avec des bases de douches, des tables, des comptoirs. Les gens se sont mis à être créatifs et il y a plein de gens du Québec qui ont dit bien moi, je pourrais faire ça avec de la poudre de verre.

 

Marlène Hutchinson : Ma table de conférence est faite avec de la poudre de verre… (rires)

 

Grégory Pratte : Donc ta table de conférence chez vous, elle est faite avec du Verrox aussi ! Il y a plein de choses qui se font avec le béton : le béton, c’est partout autour de nous. Donc si on l’utilise, c’est un matériau durable, c’est un super matériau, mais il y en a même maintenant qui ajoutent de la styromousse dans le béton avec de la poudre de verre pour faire un béton plus léger. Donc, il y a encore de la créativité, de l’innovation qui se fait. Par contre, je n’ai pas entendu parler du ministre de l’Environnement dire : « Moi, je commande tous mes trucs maintenant, mes tables, mes contrats, tout doit être en poudre de verre ». Non, ce n’est pas arrivé, donc tu sais, c’est ça aussi, c’est un travail d’équipe ; ça prend un acheteur. Le débouché, c’est le fun, mais il faut que quelqu’un l’achète.

4. Quels sont vos conseils pour faciliter le parcours d’un entrepreneur qui voudrait innover au niveau de l’environnement?

Carmen-G. Sanchez : Justement, Marlène, vous faisiez référence aux différents dangers de l’industrie, comme d’encourager ces innovations-là et ce qui se fait au Québec. Qu’est-ce que vous voyez comme enjeu qui peut se transposer au niveau de l’innovation et de l’environnement? Est-ce que vous avez des solutions à proposer pour faciliter le parcours d’un entrepreneur qui a une idée innovante qui touche un enjeu environnemental?

 

Marlène Hutchinson : C’est toute une question que tu me poses là, mais c’est sûr que je pense qu’il faut être persévérant. C’est un peu ce que Tricentris a fait et pourquoi il fait peur : ils ont été persévérants. Oui, le verre, je pense que la raison pour laquelle ça s’est développé, c’est qu’il y avait vraiment de gros problèmes de débouchés de verre à un moment donné. On a intégré du polystyrène et on a de gros problèmes de débouchés de polystyrène aussi. Donc c’est de voir ces matières-là pour lesquelles on a des problèmes de débouchés, puis à la place de revenir comme toujours vers la solution qui est l’ancienne et qui était de recycler du verre pour en refaire du nouveau, mais pourquoi ne pas trouver d’autres solutions, d’autres façons de faire. C’est un peu comme ça, je trouve que l’innovation qui est intéressante, c’est trouver des solutions différentes, c’est de regarder ce qu’on fait en entreprise, ce qu’on a comme rejets et voir comment on pourrait le réintégrer dans notre processus. 

 

Par exemple, il y a les bas de Kamik, c’est super intéressant ce qu’ils ont fait. L’entreprise a noté qu’il y avait beaucoup de rejets dans leur production et ce qu’ils ont fait, c’est qu’ils ont pris ces rejets, ils les ont granulés et ils les remettent à l’intérieur dans leur procédé pour fabriquer les bottes. Leur objectif ultime serait qu’on puisse reprendre même les bottes consommées — les bottes des consommateurs — pour les recycler. Là, c’est sûr que ça va prendre beaucoup de temps pour faire ça, mais il ne faut quand même pas s’arrêter à : « Ah… oui, mais moi, mon objectif ultime, c’est de faire ceci et je n’y arriverai jamais ». C’est d’y aller petit pas par petit pas, puis voir ce qu’on peut changer maintenant, ce qu’on peut faire comme innovation et ensuite y aller, se faire un plan, puis se dire mon objectif ultime, c’est ça. En même temps, ça prend des acheteurs de ces produits-là. 

 

Tu sais, j’ai une collègue qui a développé des cache-fils en plastique recyclé. C’est super intéressant! À la place d’avoir plein de fils qui traînent par terre, on a une boîte, puis tous nos fils rentrent dedans, puis on le met au mur et ça fait une belle petite décoration. Son problème, c’est qu’il manque d’un côté — mais correct dans l’approvisionnement du plastique recyclé — mais ça prend des acheteurs de ces cache-fils et d’autres solutions. Et en même temps, c’est peut-être un peu plus cher que si c’est fait à partir de plastique non recyclé, parce que le plastique recyclé, c’est encore un peu plus cher, mais encore là, c’est un produit québécois développé par des femmes. Je trouve ça super intéressant comme produit, mais il faut que ça soit connu, alors, au-delà d’inventer, il faut aussi faire beaucoup de promotion. Il faut aussi que je pense, tu sais, on dit souvent que le gouvernement devrait aider, c’est sûr que c’est quand même un très grand donneur d’ordre le gouvernement, c’est lui le ministère des Transports et il fait bien des routes, il fait aussi des trottoirs. Alors il faut qu’eux aussi, dans leur appel d’offres, on puisse avoir des endroits où on demande que ça soit fait au Québec, que ça soit fait à partir de matières recyclées, et pour plusieurs autres — on perd beaucoup de matières résiduelles ici — mais pour plein d’autres domaines, le fait de juste inclure ces deux paramètres là dans les appels d’offres pourrait faire des changements pour beaucoup d’entreprises québécoises.

 

Grégory Pratte : Oui, tu as raison, puis tu fais bien de le souligner. L’autre chose aussi qui est importante, c’est combien sont profondes tes poches? Tu sais, Marlène l’a dit, il faudrait qu’on en parle, il faut faire de la publicité, mais ça, c’est de l’argent R&D. Tu as de l’argent pour ton usine pour faire le produit. Tu as de l’argent pour le faire connaître. Après ça, bien là, mettons que tu rentres dans une grande chaîne de quincailleries, mais là ils disent bon bien OK, mais là tu as des rabais d’escompte. Il faut rentrer ça dans le catalogue, il faut que tu payes. Après ça, il faut que tu remplisses tous les magasins d’un coup. Puis là bien tu as produit tout ça, et c’est sur toutes les tablettes, mais ce n’est pas encore vendu. Tu sais, ce n’est pas simple. Les gens disent : « Ouais, mais si au moins c’était disponible partout ». Oui, mais ça prend de l’argent pour arriver à faire ça. Donc l’innovation a un coût. Tantôt, Marlène parlait du ratio entre le plastique recyclé et le plastique vierge, par exemple, mais c’est parce qu’on ne paye peut-être pas le juste prix de nos choses non plus. Vous savez peut-être qu’on n’a pas vraiment le vrai prix de ce que ça vaut. Si par exemple tu te dis « bon, bah la matière vierge est moins chère », mais si le gouvernement disait — ou en tout cas des décideurs ou je ne le sais pas, mais disait — bien il y a un une prime à la matière recyclable, ça a une valeur parce que ça évite que ça aille à l’enfouissement par exemple. Tu sais, il y a des calculs qu’il faut revoir. Il y a une façon qu’il faut revoir.

 

Marlène Hutchinson : Parce que les coûts environnementaux ne sont jamais intégrés dans le coût du plastique vierge… Jamais…

 

Grégory Pratte : Non, ce n’est jamais intégré. On parlait plus tôt de la consigne. Moi, j’ai écouté toutes les commissions là-dessus, et jamais on n’a parlé du coût d’un camion, jamais on n’a parlé du coût de l’essence, jamais on n’a parlé des GES relatifs à un dédoublement d’un système. Tabarouette, la dernière fois que j’ai vérifié dans le dernier rapport du GIEC — que je n’ai pas lu, mais j’ai lu un petit résumé — il me semble qu’on parlait beaucoup de GES. Et c’est quoi le plan? Ajouter des camions? Ça ne me semble pas être une bonne solution environnementale, moi, ajouter des camions… Puis de demander aux gens de sauter dans leurs autos, puis d’aller porter ça en leur laissant croire que ça va se passer à l’épicerie, alors que si tu lis bien les toutes les communications là-dessus, ça ne se passera pas dans les épiceries parce que les épiciers n’ont pas d’espace. Donc, il va falloir construire des points de dépôt, et ça, c’est compliqué. Essayez de vous faire rénover une salle de bain, en ce moment, c’est très compliqué. Donc essayez pour le fun de vous faire construire un point de dépôt…

 

Marlène Hutchinson : Au-delà de ça, Grégory, c’est parce qu’on fait venir directement à la porte tous nos trucs qu’on achète en ligne. Là, tout d’un coup, il va falloir prendre notre véhicule et ressortir, allez porter certaines matières…

 

Grégory Pratte : C’est une boucle complètement funky, c’est complètement compliqué, alors que — et c’est un peu ce qu’on a fait nous, en tout cas, c’est qu’on se dit bien — on reçoit la matière du bac du citoyen. Il y a du métal, du verre, du plastique, des cartons, du papier. Bon, parfait. Nous, on va prendre le mal aimé, le mal aimé, c’est le verre qu’on va prendre, puis on va lui donner de l’amour. Tu sais, c’est un peu ça notre stratégie, mais on n’a pas dit au citoyen, on prend juste le verre vert, ou on prend juste le clair… non. Non, le citoyen, lui, met son pot de cornichons, il met sa bouteille de vin, il met tout ça. On a travaillé avec ce qu’on a, puis là le problème avec cette espèce de table rase du gouvernement, de modernisation puis de consigne, c’est de dire qu’on va pogner le poids, puis on va le mettre sur les épaules du citoyen, puis il a tellement peur, parce qu’il sait que c’est la fin du monde, qu’il va le faire. C’est une méchante présomption… Je ne suis pas convaincu. Puis les projets pilotes de toute façon — j’ai lu le rapport des projets pilotes qu’ils viennent de faire — il y avait huit projets pilotes. Finalement il y en a sept qui se sont réalisés et le taux de participation n’est pas vraiment intéressant, il n’est pas vraiment intéressant. À part Terrebonne, en général, le taux de participation est assez faible, et ils n’ont pas calculé le coût de tout ça. Moi, j’ai parlé au gars à Terrebonne qui vient chercher le verre dans le conteneur à la SAQ. Il fait trois fois par semaine avec son camion, parce qu’il a juste un petit camion. Donc il prend son petit camion et il fait ça trois fois par semaine ; il part de la Rive-Sud, il traverse le pont-tunnel qui est bloqué, il revient… C’est comme ça trois jours par semaine pour aller chercher le contenu des petits bacs qui sont cachés dans les gros containers. Quand tu comprends tout ça, tu fais comme : « Jusqu’où veux-tu avoir raison? ». On te démontre de A à B que tu as tort, et toi, tu as pris ça quand même…. Et tu dis que puisque c’est un engagement, ça va se faire, peu importe combien ça va coûter… On devrait prendre cet argent-là, puis aider les entreprises du Québec qui sont innovantes. Ça, ça va être intéressant.

5. Quels conseils donneriez-vous aux entrepreneurs qui veulent commercialiser un nouveau produit?

Carmen-G. Sanchez : Souvent, l’enjeu de commercialisation des innovations, c’est transversal. Tu sais, que ce soit pour de nouveaux produits environnementaux ou qu’on soit dans le manufacturier, c’est toujours un enjeu. Puis, à ce moment-là, j’aimerais vous entendre sur ce sujet. Connexion Laurentides a rédigé le mémoire Plastiques orphelins dans les Laurentides dans le cadre justement de la Stratégie québécoise de recherche et d’investissement en innovation où qu’une des solutions qui étaient amenées — qui était dans le fond mise sur la table pour trouver de nouvelles façons d’encourager l’innovation — ce n’était non pas de financer le développement de produits innovants, mais l’achat. Donc d’amener, de sélectionner, un certain nombre d’entreprises innovantes puis de leur dire que leur produit est tellement bon qu’on va amener leurs prochains clients à les subventionner de x montants, ou x pourcentages, pour les inciter, les encourager à utiliser, à essayer leur innovation parce qu’il y a souvent une question de risque, il y a une question d’inconfort. Donc, est-ce que c’est quelque chose qui vous interpelle? Comment réagissez-vous spontanément à une suggestion comme ça?

 

Grégory Pratte : Il faut vendre le pourquoi, il faut juste vendre le pourquoi. Comment ça se fait qu’il y a 20 ans, je me sois acheté un lecteur de DVD à 1200 piasses? Parce que le pourquoi était très clair. Grâce à ça, je n’étais plus obligé d’avoir plein de cassettes, de rewinder des cassettes, j’avais une meilleure qualité sonore — dans ma tête, parce que ce n’est pas vrai, maintenant, on est revenu au vinyle. Bon, mais tu sais, j’avais mon pourquoi, je le savais pourquoi j’avais besoin de ça. Mais en matière d’innovation, créer l’histoire puis stimuler le réel pourquoi on le fait rarement au Québec. Pourquoi? Parce qu’on a 100 piasses, puis on met 99 piasses en R&D, puis il nous reste 1 piasse pour toutes les autres étapes. Ça fait que la plupart des idées, elles finissent par planter et c’est pour ça que je disais que ça prend quand même des poches plus creuses. On a oublié de s’intéresser à l’utilisateur. C’est ça qu’il faut penser : qui va l’utiliser cette innovation-là? Pourquoi l’utilisera-t-il? Quelle est sa plus-value? Quand on parlait des prix là. Moi, j’ai rencontré des Rona, des Canadian Tire, tout ça, et ils disent : « Bien si ton produit est moins cher, on va le prendre ». Alors tu fais : « OK, donc toi, tu veux acheter un prix… Malheureusement, je n’ai rien à te vendre. Moi, je ne vends pas des prix, moi je vends des innovations. Si tu veux des prix bas, il y a des magasins où c’est leur pub. Moi ce n’est pas ça que je fais ».

 

Carmen-G. Sanchez : À ce moment-là, quels types de conseils aimeriez-vous donner à des gens qui veulent arriver à commercialiser? Parce que c’est souvent ça ; ce sont souvent des personnes qui sont experts et expertes du produit de leur domaine, mais qui manquent peut-être de connaissances?

 

Marlène Hutchinson : Ils doivent s’entourer de gens justement qui sont en communication pour commercialiser leurs produits, parce qu’effectivement souvent les gens qui sont en R&D sont très concentrés sur leur produit. Ils n’ont pas ce côté commercialisation là. Ils n’ont pas le côté de faire connaître le produit et l’utilité du produit. Eux, ils croient en leur produit, mais faut développer le pourquoi comme Grégory disait, le pourquoi on utilise ça. Je pense que c’est là qu’il y a de gros besoins. Au-delà de commercialiser, de le penser, d’avoir un produit innovant – parce que je pense qu’il y en a énormément de produits innovants – mais qu’on ne voit pas parce qu’il n’y a pas personne qui accompagne ces gens là à dire : «Moi, ton produit, j’y crois.» Ou que eux décident d’investir dans la commercialisation et dire : on va être justement dans les Rona de ce monde et convaincre les Rona de ce monde que ce n’est pas le prix, ce n’est pas la seule affaire et qu’il y a plusieurs autres facteurs. Parce que la loi du plus bas prix, elle est en train de tuer notre environnement, parce que tous les gens achètent, puis jettent parce ce n’est pas grave, parce que de toute façon, ça n’a pas coûté bien bien cher…

 

Grégory Pratte : Oui, c’est ça. Une spatule à deux piasses versus une spatule à neuf piasses, bien tu vas acheter six spatule à deux piasses, mais jamais que tu vas te faire avoir à neuf piasses… (rires) C’est quasiment : «OK, ouais, mais c’est quoi ton calcul?»

6. Quels types d’opportunités existe-t-il pour une entreprise qui veut améliorer la gestion de ses propres matières résiduelles, mais qui n’a pas les volumes?

Grégory Pratte : L’union fait la force! Je regarde ce qui se fait à Lachute en ce moment avec le parc Synercité. Il va y avoir une espèce de lieu qui va être un laboratoire de créativité pour que des entreprises viennent et disent : « Bien moi, j’ai un gisement plus petit de 200 tonnes ». Puis il y en a un autre qui vient se greffer, puis dit : « Moi aussi, j’ai un autre 200 ». Bien, ça fait 400 tonnes, puis on monte, puis là on fait un gisement et là on trouve un débouché ensemble. Et tout ça, c’est de se mettre ensemble. Traditionnellement au Québec, on travaille beaucoup en silo, alors qu’à mon avis, c’est la communication, tout le monde ensemble. Si on ne se parle pas, on ne peut pas savoir que l’autre a peut-être notre matière première dont on aurait besoin.

 

Marlène Hutchinson : Moi, je l’ai fait justement, une table avec différents entrepreneurs dans les Hautes-Laurentides, puis c’est un peu ça qui s’est passé. C’était de voir -c’était pour aider avec les plans de gestion de matières résiduelles de la MRC — et c’était de voir ce dont ils ont besoin comme outils pour justement, soit intégrer l’économie circulaire et faire la meilleure gestion de leurs matières résiduelles. Et juste en se parlant, il y avait une dizaine d’entrepreneurs — d’entreprises — puis en se parlant, ils disaient : « Tu sais, les choses qui m’intéressent, je pourrais peut-être te racheter ça ». Donc c’est souvent, comme Gregory dit, oui, on est dans notre entreprise, on travaille sur notre produit, mais on ne regarde pas ce qui se passe ailleurs. Il commence à y avoir des regroupements, il commence à avoir des choses, il y a Synergie économique Laurentides qui aident beaucoup les entreprises avec leurs différents gisements à trouver des solutions. Donc, il faut aller voir ailleurs, je pense, si on pense qu’on a un petit gisement, c’est de faire des appels téléphoniques, puis de voir ce qu’on peut faire avec ça et qui peut m’aider. Ce n’est peut-être pas nécessairement de le reprendre à l’intérieur, mais au moins de trouver une façon qu’à la place que ça aille juste à l’enfouissement, qu’on puisse au moins le recycler puis le remettre ailleurs.

 

Carmen-G. Sanchez : On parlait un peu plus tôt aussi que le changement de mentalité, c’est sur une plus longue période. Est-ce qu’on sent un peu ce mouvement là de responsabilité sociale et de responsabilité environnementale chez les entreprises?

 

Marlène Hutchinson : De plus en plus. Moi, ça fait quand même presque 20 ans déjà que je suis dans le milieu et ça fait longtemps que je répète la même cassette. Je remarque dans les dernières années que ce que je disais il y a quinze ans qu’il fallait faire, ou qu’on devrait faire des changements, de plus en plus il y en a. Il y a de très grandes entreprises qui ont, oui, on fait des politiques de développement durable et qui ont mis en place des mesures, mais ça commence à découler vers les PME. Je pense que c’est important en tant que PME, de regarder ce qu’on fait, quel est notre impact, puis justement de mettre en place des mesures pour devenir une entreprise qui est plus responsable parce que de plus en plus, même les employés ne veulent plus juste travailler pour une entreprise, ils veulent travailler pour des entreprises qui vont avoir un impact positif. Et ça, avec la pénurie de main-d’œuvre présentement, je pense que c’est super important de penser à ce qu’on peut faire comme entreprise pour faire des changements. Il faut commencer avec des petits changements, puis faire un plan, un plan sur cinq ans vers où on veut aller et d’intégrer ça au fur et à mesure. Et ce n’est pas nécessairement de voir ça comme un fardeau, moi, je le vois plus comme c’est la pérennité de l’entreprise qui est en jeu parce que si on n’est pas une entreprise responsable, éventuellement les consommateurs, ceux qui achètent nos produits, ne voudront peut-être plus avoir nos produits. Parce que je crois qu’éventuellement, oui, le gouvernement va sûrement intégrer ces critères-là, des critères fait au Québec des critères environnementaux, il y en a certains qui demandent déjà ce qu’est la politique de développement durable pour pouvoir appliquer. Bien de plus en plus, au-delà du gouvernement, il y a peut-être même d’autres donneurs d’ordre qui vont faire ces demandes-là et que si on n’a rien mis en place, on va se retrouver qu’on n’aura plus personne à qui vendre nos produits. Donc, je pense que c’est important de commencer tout de suite à y penser. Notre responsabilité sociale, autant le secteur environnement communautaire, mais aussi le secteur social, l’économie, la gouvernance, donc tout ça pour moi, c’est vraiment ça qui va assurer la pérennité des entreprises.

Share This